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?/ Droit de réponse :

Précisions de R&Sie(n) et Benoît Durandin

François Roche a personnellement demandé à la rédaction de TA conformément aux règles du copyright de ne pas utiliser ni reproduire les images issues de l’exposition et recherche « I’ve heard about ». Cela n’entravait en rien le droit légitime à l’information et à la critique. R&Sie(n) n’a donc fourni aucune des images qui illustrent le texte de TA et les droits de reproduction n’ont pas été cédés. Ces images ont été fournies par le musée comme images presse, inadaptées à un papier de fond. R&Sie(n) s’interroge doublement sur leur utilisation et sur leur mixage avec des projets sans aucune relation avec le contenu de l’exposition, contenu du texte et bien évidemment du titre de l’article. Un droit de réponse conforme à l’arrêt du 28 avril 1932 sur le fond et la forme a donc été demandée à la rédaction. Nous la remercions néanmoins d’en avoir accepté le principe.

 

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Faut il déplier « I’ve heard about » pour en justifier la spéculation ?

- Faut il préciser que le Contour crafting est un procédé développé depuis 1995 par Berokh Khoshnevis dans le cadre du laboratoire de robotique de USC (University of Southern California) ? Que ce procédé de coffrage-coulage (sécrétion et lissage en simultanée par buse) est à même de transformer les modes de construction avec les matériaux coulés (béton, résine, argile…) et annule le coût inhérent à leur banchage… Que cette recherche est en cours de passage en production à l’échelle 1 et que R&Sie(n) y participe.

- Faut il préciser que pour s’informer sur ces technologies, il suffit de Googliser « Contour Crafting »...

- Faut il préciser que ces recherches peuvent engendrer une véritable mutation des procédures de construction ?- non le simple fraisage numérique d’une forme 3D, post B. Cache par print Cad-cam, hypothèse que Non standard, au Centre Pompidou a largement contribuer à véhiculer (entre autres) - mais ouvre des possibilités de programmation-reprogrammation d’une construction, d’une forme urbaine au cours même de son édification !

- Faut il préciser que remettre en cause cette dimension prévisionnelle, prédictible de l’architecture, par nature anticipée et verrouillée par ceux en charge de la dessiner, de la maîtriser, est de nature à bouleverser la scénarisation, la programmation de cette même architecture, et par effet collatéral de la position de l’architecte. Que la fabrication de ville, plutôt que de s’inféoder à des mécanismes de planifications, se constitue sur une suite d’indéterminations et d’autodéterminations ne peut être ni anodin, ni inoffensif.

- Suffit-il de préciser que « I’ve heard about » prend le risque de spéculer - ce mot s’oppose à l’anticipation et au prospectivisme - de spéculer donc sur ces procédures d’indéterminations, de fabrications en temps réel afin de questionner les modes transactionnels, de négociation localisé qui pourraient en émerger. Habiter c’est construire et cultiver, nous rappelle Heidegger, c’est agir sur la production de son environnement, de son biotope afin de ne pas passivement s’« insulariser » dans la machine à ignorance qu’est devenu le logement social.

- Faut il préciser que ces procédures requestionnent la délégation de pouvoir comme seul principe exclusif et constitutif d’une production urbaine. Que nombreux sont ceux qui ne peuvent plus se satisfaire « du moins mauvais des systèmes / la démocratie », pour légitimer son immobilisme. De Tocqueville[1] à Michel Foucault, de Tony Negri, de Félix Guattari à Peter Sloterdjick, difficile de ne pas s’interroger grâce à eux, et/ou avec eux sur la nature de notre contrat collectif. Difficile de se satisfaire des stigmates de la ville contemporaine, construite en terme de contrôle social. Difficile de ne pas pressentir que les incertitudes noueuses, morphologiques issues des multitudes citoyennes, protéiformes, en réseaux, puissent se satisfaire d’une organisation centralisée issues de nos républiques post-monarchistes. Peut on totalement s’en soustraire ou en dénier la réalité. Le protocole territorial « I’ve heard about » écrit entre biologistes, mathématiciens, écrivains et accessoirement architectes, tente d’appréhender ce corps collectif, où chacun est à la fois producteur, consommateur, et vecteur de la fragmentation des mécanismes informationnels (la toile), où l’intégrité des individus s’enchevêtre au point de générer une mutation de la structure sociale et territoriale. Le devenir de la ville et les schémas qui en sous tendent la production en est osmotique.

- Faut il préciser que « I’ve heard about », ne cherche pas à gethoïser cette recherche (Contour Crafting) à son seul profit mais l’ouvre comme une possibilité, une suite de possibilités, d’expériences dont on ne peut diaboliser l’existence avant d’en avoir testé préalablement l’étendue (et avant même d’avoir pu les tester).

- Faut il préciser que « I’ve heard about » a été émis à partir d’un Musée d’Art Contemporain, comme l’a été en son temps « Architecture Without Architects » au Moma, en 66 à NY, et que par la même, de part ce lieu d’émission, ceux la même qui pensent que l’architecture ne peut être débattue qu’entre individus qui ont légitimité et autorité pour en débattre, en disqualifient bien évidemment la nature. Nous sommes là au creux même de la raison d’ « I’ve heard about » : sortir du déficit de démocratie qui préside à la fabrication de la ville, ou la raison de quelques uns président à la destinée du plus grand nombre.

- Faut il préciser que dans l’exposition, nous revenons là à des détails pratiques, le cabinet hypnotique à été fraisé numériquement, effectivement dans des pains de mousse afin de répondre au poids maximum de surcharge de 160kg/m² et découpé par la suite en tranche de 3,8x0,9x1,9 pour passer dans les seules ouvertures existantes d’un monument historique inadapté à ce type de projet, la porte d’entrée ! Que cette Chambre des voeux n’a évidemment pas été coulée-coffrée-lissée selon les procédures du Contour Crafting, en cours de développement à échelle 1, certes, mais à coûts prototypaux hors de portée. C’est un bien mauvais procès que de justifier de la distorsion entre les possibilités d’une innovation technologique et de sa mise en pratique « immédiate » pour en nier l’existence. « I’ve heard about » s’annonce et s’énonce justement comme une spéculation et c’est dans ce cadre qu’elle opère.

- Faut il préciser que le cabinet hypnotique n’est pas une cellule à échelle 1, mais une trans-door ; la possibilité d’une immersion individuelle, d’une expérience individuelle (au sein d’un groupe), dans la poursuite du mouvement somnambulisme du XIXe siècle, introduisant la subjectivité, le voyage intérieur, le mesmérisme (voir le magnétisme animal d’Hegel) comme hypothèse de transformation politique, utilisant l’hypnose, non en introspection post-freudienne, mais comme un affrontement, une confrontation au réel, afin d’en contourner les immobilismes ; que chacun puisse se sentir, se ressentir comme « l’une des terminaisons nerveuse de cette structure organique », donne une physicalité qui est de nature à dépasser la simple mise à distance dés-incarnée propre à une exposition d’architecture : « Si vous trouvez ce monde mauvais, vous devriez en construire quelques d’autres », dixit Ph.K. Dick, encore faut il le ressentir dans sa chair, infiltré aux creux des subjectivités contemporaines.

- Faut il préciser que l’encrassage de ce même cabinet par une projection de résine de béton correspond à la nécessité de salir ces technologies, de les corrompre à une situation, en particulier celle d’un couvent médiéval, afin d’éviter toute dimension « rétro-futur », comme la nostalgie d’un futur émis dans les années 60.

- Faut il préciser, effectivement, les différents points ci-dessus pour justifier de la recherche « I’ve heard about » ? C’est loin d’être évident. Expliquer c’est rendre lisse, au sens littéral. S’opposer au réductionnisme que le système Français impose, c’est lui permettre de s’améliorer, de se renforcer, non pour en modifier les attendus, mais pour en rendre plus perforant, performant les aveuglements. Nous taire suite à ce papier eu été plus stratégique…nous prenons ici le risque de « collaborer »[2] par ce droit de réponse.

 

« I’ve heard about » ne peut répondre aux inquiétudes de la rédaction de TA - la peur des technologies, de la biogénétique, leur diabolisation,…leur Frankensteinisation…. ne peut nous affranchir d’en envisager les possibles et d’en spéculer sur les devenirs…mais débarrassés du verrouillage morale et malsain de la génération des barricades (68).

 

« I’ve heard about »

R&Sie(n) / François Roche, Stéphanie Lavaux, Jean Navarro

Avec Benoît Durandin, Jusqu’au 9 octobre 2005. Catalogue 130 pages, texte de Marie-Ange Brayer, Philippe Morel, Alexandra Midal et Protocole Territorial, en vente sur les lieux.

 

 [1]  « La raison de la crise de la civilisation européenne et de ses pratiques de démocraties monarchistes consistait dans le fait que la vertu européenne, c’est-à-dire sa morale aristocratique organisée dans les institutions de la souveraineté moderne, ne réussissait pas à rester en rythme avec les pouvoirs vitaux de la démocratie de masse », Note de Tony Negri sur Tocqueville dans Empire, Havard University 2000

[2] Jacques Lacan « Télévision », Seuil, 1974

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